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Le blog de lignelila

Changeante

2 Octobre 2012 , Rédigé par lignelila Publié dans #Traductions de poèmes

CHANGEANTE

 (traduction d'une partie de Bruixa de dol de la poétesse catalane Maria-Mercè Marçal)

                "Una dona sense un home és com un peix sense bicicleta."

« Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette »

(Anonyme)

 

 

I

 

Aujourd’hui, vingt-et-un décembre,

Je suis sortie sur mon balcon :

Sous une pluie qui faiblissait déjà

J’ai vu les pots, marmites et bocaux

plantés d’agaves, de phalangères, de bégonias,

de géraniums, de cactus, de disphymas

Et d’impatiences.

Et le jasmin, qui s’il meurt , ne meurt jamais vraiment.

 

Il y avait bien longtemps que je n’étais pas sortie sur mon balcon

Je courais derrière des amours et autres choses…

 

 

II

Bonjour, tristesse.

Habille-toi de satin !

Dessine-toi sur le front

Les nuages et la lune

Et allons au bal

Car l’heure approche !

 

Le carnaval a des larmes

De couleur sur la joue.

 

III

Comme un poisson sans bicyclette

Je cherche mon cœur entre les vagues.

Je lève mon verre où meurt la lune

Dans du vin très doux.

 

Je me suis enivrée de solitude.

 

 

IV

La mort brûle la dernière chaume.

Et raccomode la charrue.

 

Ne coupez pas les arbres du canal !

 

V

L’arbre conservera longtemps

Mon regard qui l’ensorcelle pour la première fois.

 

Mais il faut couper du bois pour ce feu

Et la hache lance des éclairs.

 

VI

Ils m’ont d’abord percé les oreilles

Et je porte depuis des boucles d’oreilles.

Ne prenez pas cette forêt pour un chêne.

 

VII

J’ai les yeux en bois.

De temps en temps, un ver y pleure.

 

VIII

Ne m’envoûte pas, soleil,

Bateau sauvé de l’ombre

Car c’est l’ombre qui m’a prise.

Le crabe de ce crépuscule

S’est accroché à mon cœur

Et mes yeux sont le lac

Où la lune dit non.

 

IX

Les heures dansent

Sur ma peau

Et la solitude vient

Avec ses pieds menus

Ses pieds nus…

 

X

J’ai expédié il y a bien longtemps

Un ballon coloré

Sur je ne sais quel toit.

 

Le vent de mars joue à tuer

Et me le rend.

 

Mon cœur l’attrape.

 

XI

Lumière au balcon

Et saccage à la porte.

 

Je retourne la pièce de monnaie

c’est la lune.

 

XII

 

Je remonterai la tristesse au grenier

Avec la poupée sans yeux, le parapluie cassé,

Le cahier achevé, la vieille tarlatane.

Et je descendrai les marches avec la robe de joie

Que m’auront cousue des araignées dénuées de raison.

 

Il y aura des miettes d’amour au fond des poches.

 

 

Maria-Mercè Marçal, "Tombant", extrait de Bruixa de dol, traduction du catalan par lignelila

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D
Vous avez de l'inspiration, continuez ! Bonne journée, Pascal.
Répondre
M
Un texte superbe où l'absurde joue avec l'amour, le quotidien avec l'humour, le rationnel avec la poésie.
Répondre
L
<br /> <br /> Je viens de découvrir Maria-Mercè Marçal, ça n'est pas évident à traduire, différentes interprétations sont possibles, mais je trouve ça intéressant, je vais continuer à la lire (et<br /> traduire peut-être :)<br /> <br /> <br /> <br />