Ce grondement...
Ce grondement que l’on entend ne vient pas de la pluie.
Cela fait bien longtemps qu’il ne pleut plus.
Les fontaines sont sèches et la poussière s’accumule
Dans les rues et les maisons.
Ce grondement que l’on entend ne vient pas du vent.
Le vent a été interdit pour ne pas soulever
La poussière qu’il y a partout
Et pour éviter que l’air ne devienne, disent-ils, irrespirable.
Ce grondement que l’on entend ne vient pas des mots.
Les mots ont été interdits
Pour ne pas compromettre
La fragile immobilité de l’air.
Ce grondement que l’on entend ne vient pas des pensées.
Elles ont été interdites pour ne pas engendrer
Le besoin de parler
Et provoquer, inévitablement, la catastrophe.
Et, cependant, le grondement continue.
(Miquel Martí i Pol, extrait de Vint-i-set poemes en tres temps,1970-1971, traduction du catalan par Lignelila)